vendredi 6 juin 2014

Tes mots sur mes lèvres




Couverture de Tes mots sur mes lèvres
Auteur : Katja Millay
Prix : 17,50E
Edition : Fleuve noir (collection : Territoire)

Résumé

Je m’appelle Nastya.

VoilĂ  452 jours que je ne parle plus. A personne.

Depuis que quelqu’un m’a volĂ© ma vie et ma seule passion.

Dans mon nouveau lycée, personne ne sait qui je suis et tout le monde me fuit.

Sauf Josh Bennet.

Il est toujours seul comme moi.

Un jour, il me parle.

Et ma vie change.

Encore une fois…


Mon avis

VoilĂ  un vĂ©ritable coup de cĹ“ur, le premier de l’annĂ©e 2014. Je ne m’attendais absolument pas Ă  ça de la part de ce livre. Au vu du titre et du rĂ©sumĂ©, je croyais que ça allait ĂŞtre pathĂ©tique Ă  souhait mais j’avais tout de mĂŞme envie de le lire (parfois ma curiositĂ© est utile ^^) dĂ©jĂ  parce que le cadre se dĂ©roule au lycĂ©e (cadre que j’adore, soit dit en passant) et que cette fois-ci on ne va pas s’intĂ©resser au groupe des « populaires » mais plutĂ´t Ă  celui des « parias ». J’ai Ă©tĂ© agrĂ©ablement surprise en dĂ©couvrant que l’auteure ne fait pas les sĂ©parations habituelles et mĂ©lange ces deux groupes. Ce qui pour moi est Ă  la fois plus rĂ©aliste mais paradoxalement, idĂ©aliste. Bref, le principal c’est que ça change du rĂ©cit purement amĂ©ricain qui divise les Ă©lèves selon des modèles stĂ©rĂ©otypĂ©s. Deuxième point fort ? Les points de vue qui crĂ©ent une vĂ©ritable dynamique dans le roman, sans eux, je pense que l’on se serait ennuyĂ©. Nous connaissons donc les pensĂ©es des deux protagonistes : Josh et Nastya. Celle-ci est nouvelle dans le lycĂ©e et est bien mystĂ©rieuse car elle ne parle pas et s’habille de façon vulgaire. C’est, paradoxalement, une hĂ©roĂŻne qui n’a pas la langue dans sa poche et que j’ai beaucoup apprĂ©ciĂ©e car mĂŞme si ce qu’il lui est arrivĂ© est dramatique, elle ne se plaint jamais. La seule marque de sa souffrance est son mutisme. Quant Ă  Josh, c’est le meilleur ami du mec populaire du lycĂ©e, Drew, mais il ne veut parler Ă  personne et tout le monde l’Ă©vite tout en le respectant. Vous voyez ? On est loin du clivage traditionnel des lycĂ©es amĂ©ricains oĂą les parias sont martyrisĂ©s par les populaires. Son drame Ă  lui, c’est que toute sa famille est morte ; aussi il prĂ©fère ne pas s’attacher pour simplifier les choses : pas de pleurs, ni de deuils Ă  faire. Ces deux asociaux vont donc se rencontrer bien qu’ils n’aient que le cours de menuiserie et Drew en commun. Car oui, malgrĂ© les apparences et leurs diffĂ©rences Ă©videntes, Nastya va devenir l’amie de Drew et c’est grâce Ă  cette amitiĂ© qu’une histoire secondaire prend vie. Bien que classique, elle Ă©tait excellente et m’a tenue en haleine jusqu’au bout et a permis de ne pas crĂ©er un huis-clos trop oppressant entre les deux protagonistes. Tous les deux, Drew et son histoire, Ă©taient nĂ©cessaires pour allĂ©ger l’ambiance. 

Ce qui est fascinant dans ce livre, c’est que Millay Ă©crit tellement bien que parfois, j’avais l’impression que c’Ă©tait moi qui avait fait vĹ“u de silence et je parlais pour m’assurer que mes lèvres n’Ă©taient pas scellĂ©es. Etonnant non ? Mais rassurez-vous, Nastya parle tout de mĂŞme, mais elle ne s’adresse qu’Ă  Josh. Le roman n’est donc absolument pas dĂ©nuĂ© de dialogues ; c’est juste que l’on devient tellement proche de Nastya que l’on a l’impression de ne pas pouvoir parler. Tout ça pour vanter l’Ă©criture de Millay, extrĂŞmement fluide et en mĂŞme temps, très profonde. Elle n’est pas sans rappeler celle de Cat Clarke. Le traumatisme de Nastya est Ă©galement choquant, et c’est lĂ  que l’on voit la force d’Ă©criture de l’auteure car son personnage va lâcher des indices, et nous, lecteurs nous allons nous faire un film que Millay va dĂ©truire peu Ă  peu pour nous adresser un ultime rebondissement avant de tirer sa rĂ©vĂ©rence. Quant Ă  la fin, je la trouve magique tout simplement car c’est un vĂ©ritable concentrĂ© de suspens Ă  tel point que chaque fois que je finissais un chapitre, j’avais peur que ce ne soit le dernier. Je tournais vite la page tout en suppliant dieu sait qui que ce ne soit pas fini. La fin est d’ailleurs si gĂ©niale que je me suis dis : « Ok, chapeau bas, tu as finis un livre que paraissait mièvre par une fin extraordinaire ». J’espère que je vous ai convaincu que ce livre, qui est classĂ© dans le genre new-adult, n’en Ă©tait pas car il est bien plus profond que cela. D’ailleurs, je ne comprends pas ce classement car dans ce livre, il n’y a aucune scène de sexe, ni mĂŞme Ă©rotique, c’est vraiment une romance entre deux personnes abimĂ©es par la vie.

Extrait


« Mon ange ?


 Elle ne rĂ©pond pas. Je la suis et la vois ouvrir le congĂ©lateur pour y fourrer quatre immenses pots de glace.


 - Qu'est-ce que tu fais ?


 - Qu'est-ce que tu crois ? RĂ©pond-elle sèchement.


 - Heu...t'es enceinte ?


 Elle se retourne vers moi :


 - Quoi ?!


 Au temps pour moi. Je lève les bras. Je me rends. Elle est visiblement de mauvaise humeur.


 - DĂ©solĂ©, c'est juste...


 Je pointe le frigo du doigt :


 - ...ça fait beaucoup de glace.


 - Oui, et la seule raison selon toi, pour laquelle je voudrais manger des glaces, serait que je suis enceinte ? Après, tu vas me dire que je dois avoir mes règles parce que c'est la seule chose qui donne le droit aux filles de se fâcher. Et comme t'es un mec, tu ne diras sĂ»rement pas « tes règles », mais un truc du genre « tes ragnagnas » ?


Elle claque la porte du frigo. C'est peut-ĂŞtre le moment de lui jurer que je ne mentionnerai jamais ses règles en aucune manière, surtout pas en des termes aussi vulgaires. Mais je trouve plus sage de me taire. »

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