Auteur :
Vicky Alvear Shecter
Edition :
Wiz Albin Michel
Prix :
19E
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Résumé
Ma mère m’embrassa sur
l’épaule.
« Tu as le cœur d’une grande et puissante reine »,
murmura-t-elle
Elle glissa telle une
déesse et disparut, comme un rêve, dans la nuit.
Mon avis
On
connait tous Cléopâtre et trois évènements qui sont liés à sa vie et qui
se sont transformés en mythe : son nez, sa ruse avec les tapis pour
rencontrer César et sa mort tragique avec Marc-Antoine. Que s’est-il passé
ensuite ? Les gens ont du mal à y répondre parce que sa figure, à l’instar
de son caractère, était tellement forte qu’elle en a effacé même effacé ses descendants.
Qui imagine Cléopâtre mère ? Pas moi en tout cas. Alvear Shecter, a pris
le contre-pied de la plupart des écrivains historiques et bien qu’elle ait
parlé d’une Cléopâtre, elle a donné la parole à la fille de LA Cléopâtre. Oui,
on parle de bien de Cléopâtre VIII Séléné et j’en remercie l’auteure. Cléopâtre
VII il y a des livres dessus. Sur sa fille moins. Et pourtant elle mérite d’être
célèbre. Un véritable petit trésor que ce livre ! Son parfait mélange d’histoire
et de romance donne l’impression de lire une biographie. Mais attention, pas
une biographie chiante, bien au contraire, à travers Séléné on découvre un univers
antique (d’abord celui d’Alexandrie puis celui de Rome), la guerre mais aussi
des préoccupations typiques d’un livre destiné à des lecteurs de livres
jeunesse.
Je
récapitule pour ceux qui ne connaissent pas bien cette partie de l’Histoire :
César est mort en -44 et il n’y a pas d’héritiers. Octave est désigné comme l’héritier
légitime testamentaire de César mais le peuple romain, peuple guerrier par
essence, l’entend d’une autre façon : il préfère le grand général
Marc-Antoine qui n’a jamais perdu une seule bataille (d’ailleurs, la seule qu’il
perdra sera sa dernière) à ce jeune petit-neveu qui sort de nulle part. Pourtant,
si Octave n’est pas un grand soldat, il est intelligent et a compris qu’il n’aurait
le pouvoir qu’une fois que Marc-Antoine serait mort et enterré. Il va donc
précipiter sa mort… Marc, de son côté, n’est pas en reste et provoque Octave
pour affirmer son autorité. Mais le problème est qu’il a réussit à divorcer de
son épouse romaine, Octavia (la sœur d’Octave) pour épouser la reine d’Egypte.
Cette province, du fait de la grandeur de son héritage et du faste de ses
dirigeants (les Ptolémées sont des descendants du frère d’Alexandre Le Grand) et
de sa richesse, est détestée mais aussi crainte par les romains. Aussi, il n’est
pas difficile à Octave de convaincre le peuple de Rome de la nécessité d’attaquer
l’Egypte, province que Marc gouverne avec l’aide de sa nouvelle femme, la
célébrissime Cléopâtre. En – 31, lors de la bataille à Axium, Cléopâtre et
Marc-Antoine sont défaits. Et c’est là que le mythe se crée : Marc se
suicide, tout comme Cléopâtre quelques jours plus tard, ne supportant plus l’absence
de son mari. La plupart des gens, moi compris, arrêtent l’’histoire ici et je
remercie ce livre de m’avoir fait connaitre la fin de l’histoire (je ne le
dirai jamais assez mais Séléné mérite d’être connue. Au moins autant que sa
mère !)
OK,
elle meurt mais le monde ne s’arrête pas de tourner pour autant. Ses enfants,
sont envoyés à Rome en tant que prisonniers de guerre dans la maison d’Octavia
(oui, l’ironie du sort est parfois cruelle). Quand je dis prisonniers, il ne
faut pas imaginer les cachots et les autres clichés. C’étaient les rois d’Egypte,
et on ne traite pas ainsi une lignée royale. Les jumeaux Alexandre Helios et Cléopâtre
Séléné ainsi que leur cadet Ptolémée XVI Philadelphe sont envoyés à Rome et
doivent se conduire en citoyens romains. Et si les garçons se plient aux règles
du jeu, ce n’est pas le cas de Séléné. En effet, celle-ci est le sosie de sa
mère : elle est têtue et ne veut pas renoncer à son peuple, ni à sa couronne.
S’ensuit alors une lutte entre Octave et elle.
Je
me doute que cela ne doit pas vous paraître très appétissant mais je peux vous
assurer qu’il s’agit bien d’un roman jeunesse. Un merveilleux roman jeunesse,
cela dit. Pourquoi je suis autant admirative ? Tout simplement parce que
je sais le travail de documentation énorme qu’a fait Vicky Alvear Shecter :
tout est exact et tellement naturel ! Si bien écrit que j’aurais pu
jurer me trouver dans les rues de Rome ou chez Octave. Mais quand une écriture
réussit à créer un monde et à nous y faire entrer, sachez que c’est un travail
énorme. Rien que la documentation a du lui demander des années de recherche
sans compter qu’elle a inventé une intrigue amoureuse qui n’est pas avérée
historiquement mais tellement bien intégrée dans le cadre de l’œuvre qu’elle
semblait naturelle. Et c’est là que je dis « chapeau bas » car le
transport du lecteur vers le monde créé est tel que je ne remettais pas en
question une seule seconde cette histoire d’amour. Et c’est là qu’on voit le
travail du vrai auteur historique : son intrigue est insérée dans l’Histoire.
Je sais que ça parait bête comme ça mais si vous lisez un Milady historique, l’Histoire
n’est qu’un moyen pour l’auteur de mettre en scène le puissant guerrier
écossais qui prend sauvagement la douce et frêle irlandaise. L’Histoire ?
On s’en fout comme de l’an 40, ce n’est qu’un décor. Ici, c’est vraiment le
contraire : la lutte pour le pouvoir prédomine dans l’œuvre. Je vous l’ai
dit, j’ai l’impression de connaitre Octave maintenant (ce qui va m’aider pour
mon contrôle de latin ^^).
De
plus, les personnages secondaires sont tous aussi bien travaillés les uns que
les autres et on s’identifie immédiatement à l’héroïne. Sans compter que dès
les premières pages du roman on est accro : les pages se tournent, les
chapitres défilent et le livre se finit bien trop vite. Je vous l’ai déjà dit :
Séléné est un personnage complexe et réellement travaillé qui acquiert une
véritable consistance. Ce n’est qu’une enfant lors de son exil mais on la voit
grandir dans tous les sens du terme sous nos yeux : le livre nous la
présente de 9 à 16 ans et elle grandi donc physiquement mais aussi
émotionnellement. Elle veut son trône d’Egypte et elle veut être comme sa mère :
une grande dirigeante. Mais là où repose la force de Séléné c’est qu’elle n’accepte
pas son destin et qu’elle se débat pour réaliser son rêve qui prendrait des
allures de caprice puérile chez n’importe quel autre personnage mais celui-ci
est si bien réalisé qu’on lui donne une psychologie lui conférant ainsi une
consistance. Elle se bat donc contre son destin tout au long du livre et ne se
lamente jamais : les romains la méprisent, tant mieux le sentiment est
réciproque ! C’est elle qui s’occupe de tous les personnages, elle ne reçoit
que peu d’aide mais elle assume son choix : l’Empereur Octave fait peur et
est cruel donc l’aide est limité mais qu’importe, elle tentera le tout pour le
tout !
Extrait
Pour vous prouver qu’on
n’est pas que dans un livre historique et je vais même vous donner la problématique
principale de l’intrigue inventée par l’auteure : amour ou pouvoir ?
« - Tu as ne peau superbe, a-t-il susurré. Elle a la
couleur du miel au soleil.
-
Il faut vraiment que je retourne à mes lectures.
J’ai pivoté sur moi-même pour faire face aux casiers. J’espérais
qu’il s’en irait mais, au lieu de partir, il m’a prise par la taille et a
plaqué son torse contre mon dos. J’ai étouffé un cri de surprise. Je l’ai
entendu s’esclaffer tout bas et j’ai fermé les yeux.
-
Pourquoi luttes-tu ? a-t-il chuchoté »